La diversité culturelle à l’ère du numérique

Paris — Dans un rapport remis cette semaine à l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), l’ancienne ministre québécoise Louise Beaudoin plaide pour que l’on adapte à l’ère du numérique la Convention sur la diversité culturelle de l’UNESCO. Cette convention adoptée à l’initiative du Québec, de la France et du Canada il y aura bientôt dix ans et qui affirme le droit des États de protéger leur culture par les lois et des réglementations, a besoin d’être complétée afin de tenir compte des nouveaux modes de diffusion, estime l’ancienne ministre de la Culture et des Relations internationales du Québec.

« Le temps presse si on ne veut pas que nos cultures nationales disparaissent dans le grand trou noir du numérique,dit-elle. Le numérique a un effet de concentration et de marchandisation brutal sur la culture. »

Pour adapter la Convention, dit Louise Beaudoin, il ne serait pas nécessaire de la rouvrir. Il suffirait d’y ajouter de nouvelles directives opérationnelles indiquant aux États signataires comment agir afin de protéger leurs productions culturelles aujourd’hui diffusées par voie numérique.

De passage à Montréal en septembre dernier, le secrétaire général de l’OIF, Abdou Diouf, avait dit s’inquiéter de l’avenir de la Convention à l’ère du numérique. On sait que les négociateurs américains qui négocient, par exemple, avec l’Union européenne ont pour mission de ne pas exclure des discussions les biens et services numériques. C’est pourquoi ce rapport a été commandé à Louise Beaudoin. L’ancienne ministre donne l’exemple des quotas de diffusion à la télévision et à la radio qui deviennent obsolètes lorsque les émissions sont diffusées par un site Internet situé au Luxembourg par exemple. Il faut donc déployer des moyens différents afin d’éviter que seule la culture commerciale américaine ait voix au chapitre.

La Francophonie fera la différence

Louise Beaudoin a été heureuse de découvrir que la France partageait la même inquiétude. Les ministères français des Affaires étrangères et de la Culture ont d’ailleurs commandé une étude exhaustive de ces nouveaux moyens de réglementation permettant aux pays de faire respecter la territorialisation des lois. Cela peut impliquer par exemple de taxer les compagnies de téléphone, comme le fait le Brésil, afin d’alimenter les fonds destinés aux productions locales. On pourrait penser, dit Louise Beaudoin, à imposer les entreprises en fonction du « pays récepteur » et non pas du pays émetteur. Une étude réalisée par Pierre Lescure, ancien président-directeur général du Groupe Canal Plus, envisage même des moyens d’influencer les algorithmes de recherche qui favorisent généralement les annonceurs et les sites les plus connus.

« Lorsque l’OIF aura ces études en main, elle aura tout ce qu’il faut pour prendre le leadership », dit Louise Beaudoin. L’ancienne ministre souhaite qu’on puisse compléter la Convention d’ici l’été 2015, alors qu’elle fêtera ses dix ans. Un important colloque se tiendra sur cette question en octobre 2015 à Mons, en Belgique. Les pays signataires de la Convention doivent aussi se réunir à Paris en juin 2015. « Je suis certaine que sans la Francophonie, on n’y arrivera pas, dit Louise Beaudoin. C’est elle qui fera la différence. »

Christian Rioux

Source: http://www.ficdc.org/cdc4562 (2014)

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